Du MM T 365

MM T 365. Ébauche littéraire. Datée de 1890.

p. 1


Il avait fait froid pendant longtemps.

Puis tout à coup le temps devint doux et printanier.

Je montai sur la hauteur pour jouir de la douceur de l’air et du soleil.

Le soleil chauffait mais de temps à autre on sentait un courant d’air froid – comme venant d’un caveau. La vapeur de la terre humide – l’odeur de feuilles pourrissantes – et le silence qui régnait autour de moi. Et cependant je sentais la vie fermenter dans la chaleur de la terre et des feuilles pourrissantes – dans ces branches nues. Elles allaient bientôt éclore et vivre et le soleil allait briller sur les feuilles vertes et les fleurs – et le vent allait les courber dans la torpeur de l’été.

Je ressentais comme de la volupté à marcher – à m’unir à cette terre en continuelle germination – inondée de soleil – et qui vivait – vivait.

Je n’allais faire qu’un avec elle – et de mon corps en putréfaction pousseraient des plantes et des arbres et de l’herbe et des fleurs et le soleil les réchaufferait et j’en ferais partie et rien ne périrait – C’est l’éternité.

Je m’assis sur un banc. Quel silence autour de moi – et cependant mille bruits venant de la grande ville. A perte de vue comme la Prairie une immense étendue de toits, de tours, de cheminées d’usines. L’or du Panthéon brillait et de la fumée montait des usines et des chemins de fer. Quel tumulte sur la Seine.

Le roulement d’une voiture – un cri d’enfant – se firent entendre au milieu de tout ce bruit. Et puis le long sifflement d’une locomotive – et encore un autre.


p. 2


Un coq chanta – Cela venait de St Cloud juste en dessous de moi. Un autre coq répondit.

Alors je ne vis plus les milliers de toits et de coupoles bleuissant.

Le chant du coq – l’odeur, la vapeur des feuilles mortes. La chaleur du soleil printanier. J’étais chez moi – cela me ramenait à un jour de printemps à vestre Aker. Moi et elle souriants au printemps et ses cheveux blonds et ses yeux bleus.

Nous étions assis sur un banc sur la colline. D’un côté le fjord bleuissant et la ville – les toits qui brillaient au soleil comme de l’argent – et en bas l’église et toute la campagne limitée par le bleu violet profond des collines. Nous restions silencieux et tout était silencieux autour de nous – et nous entendions le moindre bruit venant de la campagne. Le bourdonnement de milliers de vies dans l’atmosphère et cependant un si étonnant silence.

Je sursautai – je sentis un petit souffle – comme provenant d’un caveau – glacial , et je me levai et rentrai dans ma chambre, le sang figé.